Texte écrit par Michèle Pistone pour le bulletin municipal de mars 2007
Juste (nom commun) : Pour le judaïsme européen après la deuxième guerre mondiale – Non-juif qui a risqué sa vie pour sauver des juifs en danger. Médaille des Justes. Les arbres de l’allée des Justes à Yad Vashem [Mémorial de la déportation à Jérusalem], honorent ceux qui au péril de leur vie se portèrent à l’aide des Juifs persécutés (Tribune Juive, 28 nov.-4 déc. 1980, no648, p. 33).
La mort récente de Maurice Papon, fonctionnaire zélé à Bordeaux, qui pendant la guerre de 1940 a envoyé des centaines de Juifs, dont des enfants, en déportation dans les camps nazis allemands, a rappelé cette période noire de notre histoire…
Le jeudi 18 janvier, le Président de la République, avait évoqué, lui, l’action des Justes, hommes et femmes qui n’ont pas hésité, à la même époque, à prendre des risques pour sauver ces Français marqués de l’étoile jaune, signe d’infamie qui les a conduits dans le meilleur des cas à l’exil, le plus souvent à la mort.
Les Roybonnais que j’ai interrogés en 2004, au moment de la célébration de la libération de notre région, se souviennent que des Juifs ont été accueillis à Roybon pendant la guerre. On ne peut sans doute pas mettre sur le même plan notre village et le Chambon sur Lignon où sous l’égide du pasteur des centaines d’enfants ont été cachés. Ni même, plus proche de nous, mais moins connu, la commune du Gua dans la vallée de la Gresse, où à Prélenfrey; la famille Guidi a hébergé, avec la complicité de tous, des enfants juifs de Grenoble. Un livre de David Klugman en raconte l’histoire.
Pour situer l’époque, voici ce que j’ai trouvé dans les registres de la commune. Le 26/1/1942, M. le maire fait connaître au conseil que M. Maurice Etienne Chaumont “ de nationalité française, ni juif, ni de religion juive “ demande à acquérir une parcelle de terrain. Quand on était Juif on ne pouvait donc pas acheter de terrain…
Quelques informations montrent que Roybon a été fidèle à sa tradition d’accueil.
Au Plan Michat, chez Rolande Manin, épouse Martin il n’y avait pas que les réfractaires au STO qui étaient accueillis :
Rolande : “ Nous avions un couple d’Italiens qui habitaient la maison Pécheur, en dessus de chez nous, … et puis un Juif, le docteur Grinfedear de Marcilloles, … qui a fait de la résistance avec un officier “ et qui a d’ailleurs eu à soigner des maquisards blessés. “
C‘était la même chose à la Verne chez Louis et Albert Davion dont la vieille maison, abandonnée aujourd’hui, aurait beaucoup à nous conter!
Louis : “ Toutes les maisons en avaient ( des STO ), ou des Italiens ou des Juifs. Les Italiens ils étaient pourchassés. C’étaient des antifascistes. En 43, c’était la famille juive, les Zelokovik : Armand, Henry… y venaient, y repartaient, ils avaient la maison… “
Albert : “Il y avait aussi Monsieur Rose, c’était un musicien, il jouait du violon…“
Louis : “ Il prenait des gants pour aller lier les gerbes, parce que ça lui abîmait les mains. Monsieur Rose, -Rosenberg? – venait d’Antibes, et était hébergé à la Guille chez Albert Simien. Il me donnait, faute de piano, des cours de solfège“.
L’hôpital, avec le docteur René Marion, n’était pas en reste, son épouse se souvient.
Danièle : “ Et nous, on avait à St Siméon un docteur Lévy qui était un Juif, qui avait quitté Paris parce que c’était dramatique pour eux, et qui travaillait à St Siméon…. Il avait sa tante à l’hôpital qu’on avait camouflée…“ Monique : “Parce qu’elle était juive…“
Danièle : “Elle était comme malade, on l’a gardée 4, 5 mois…“
Monique : “Alors qu’elle n’était pas malade du tout…“
Danièle : “Oh ben non! c’était pour la sortir. “
Odile Pain, épouse Vincendon, connaissait bien monsieur Surdon qui était maire de Roybon pendant la guerre.
Odile : “ Ah oui. Le Père Surdon était très ami avec M. et Mme Calais. Le Père Calais, qui était cordonnier, à qui il manquait une jambe. Et il venait souvent chez les Calais, et je sais que, après la guerre bien sûr, il leur a dit qu’il avait caché des Juifs. Et on pouvait pas douter d’sa parole, non.“
Dès la déclaration de guerre, des ressortissants étrangers, Allemands, Autrichiens, Hollandais … des Juifs et d’autres qui avaient fui le régime hitlérien, ont été internés au camp de Chambaran. Ils étaient autour de deux cents gardés par l’armée française. Au moment de la capitulation, le commandant du camp les aurait conduits en camions vers le Sud et libérés, pensant à juste titre que, s’ils tombaient aux mains des Allemands, ils seraient exécutés. Que sont-ils devenus et qui était ce militaire ?
Il y a donc bien eu des Justes à Roybon. Comme des milliers d’autres en France, ils ont gardé le silence après la guerre. Ils avaient fait ce qu’ils devaient et ne s’en sont pas vanté. En Israël ou ailleurs, un vieil homme ou une vieille femme se souviennent peut être d’un coin charmant dont leur a parlé un ancêtre. Mais comment s’appelait donc ce village ?
Michèle Pistone, à Roybon le 05/03/2007